Doit-on fêter Aid al-Mawlid ?
La question de la célébration de l’Aid al-Mawlid, commémorant la naissance du Prophète Muhammad (paix et salut sur lui), est une innovation. L’événement a acquis une certaine popularité dans de nombreuses régions du monde musulman, mais son bien-fondé du point de vue de la charia n’existe pas. Les partisans avancent des arguments en faveur de son importance spirituelle, tandis que les opposants citent des textes du Coran et des hadiths pour la condamner comme une innovation (bid’a).
Histoire de la célébration de l’Aid al-Mawlid
L’Aid al-Mawlid n’était pas célébré à l’époque du Prophète Muhammad (paix et salut sur lui) ni durant les premiers siècles de l’Islam. Il faut remonter au 12e siècle pour voir apparaître cette fête sous l’influence des Fatimides, une dynastie chiite qui régnait en Égypte. Cette commémoration a ensuite été adoptée par certaines communautés sunnites, bien que de nombreux savants orthodoxes sunnites l’aient contestée. Les Fatimides, cherchant à renforcer leur emprise sur la société et à cultiver un lien émotionnel avec la population, ont utilisé cette occasion pour promouvoir une piété tournée vers la figure prophétique. Cependant, l’introduction d’une telle fête dans une religion qui condamne l’innovation (bid’a) a suscité de vifs débats.
Les savants sunnites classiques comme l’imam Al-Shafi’i et l’imam Malik ont fermement rejeté toute forme d’innovation religieuse. En effet, un hadith rapporté par Aïsha (qu’Allah l’agrée) met en garde contre l’introduction de nouveautés dans la religion : « Quiconque introduit dans cette affaire (l’Islam) quelque chose qui n’en fait pas partie verra cela rejeté. » (Rapporté par Boukhari et Mouslim). Ce hadith est souvent utilisé par les détracteurs de l’Aid al-Mawlid pour argumenter que cette célébration constitue une addition à la pratique de l’Islam qui n’a aucun fondement dans les textes sacrés.
Le Coran et les hadiths contre l’innovation (bid’a)
L’une des raisons majeures du rejet repose sur le concept fondamental de l’innovation (bid’a). Le Coran, dans plusieurs versets, invite les croyants à suivre strictement la voie tracée par le Prophète Muhammad (paix et salut sur lui) et à éviter toute déviation. Dans la sourate Al-Maïda, verset 3, Allah dit : « Aujourd’hui, J’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’Islam comme religion pour vous. » Ce verset est souvent cité pour affirmer que l’Islam est complet et qu’il ne nécessite aucune addition ni modification. Le fait d’ajouter des festivités religieuses comme l’Aid al-Mawlid, qui n’ont jamais été prescrites par Allah ou son Prophète (paix et salut sur lui), est perçu comme une atteinte à la perfection de la religion.
Par ailleurs, un autre hadith célèbre, rapporté par le Prophète (paix et salut sur lui), dit : « Méfiez-vous des choses nouvellement inventées, car chaque nouveauté est une innovation (bid’a), et chaque innovation est un égarement. » (Rapporté par Abou Daoud et Tirmidhi). Ce hadith, ainsi que d’autres, montrent clairement la mise en garde contre l’introduction de nouvelles pratiques religieuses. L’Aid al-Mawlid, étant une pratique introduite bien après la mort du Prophète (paix et salut sur lui) et de ses compagnons, est donc considérée par de nombreux savants comme une innovation blâmable.
La naissance et la mort du Prophète Muhammad (paix et salut sur lui)
L’Aid al-Mawlid est que la date exacte de la naissance du Prophète Muhammad (paix et salut sur lui) est sujette à controverse. Bien que la plupart des historiens s’accordent sur le fait que le Prophète (paix et salut sur lui) est né un lundi du mois de Rabi’ al-Awwal, la précision de la date reste incertaine. Certains affirment qu’il est né le 12 Rabi’ al-Awwal, mais d’autres opinions existent, ce qui remet en question la légitimité de fixer une célébration annuelle à une date précise.
De plus, il est intéressant de noter que le 12 Rabi’ al-Awwal est aussi la date de la mort du Prophète Muhammad (paix et salut sur lui). Certains savants soulignent cette coïncidence pour démontrer l’incohérence de célébrer une naissance alors que, ce même jour, marque un événement tragique : le décès du dernier messager de l’Islam. En ce sens, l’Aid al-Mawlid pourrait être perçu comme une contradiction avec la solennité et la tristesse qui devraient entourer la disparition du Prophète (paix et salut sur lui).
Les incohérences des partisans de l’Aid al-Mawlid
Les partisans de l’Aid al-Mawlid avancent plusieurs arguments pour justifier cette célébration. Ils mettent souvent en avant l’amour pour le Prophète (paix et salut sur lui), estimant que la commémoration de sa naissance est une façon de renforcer la foi des musulmans et de leur rappeler l’importance de suivre son exemple. Cependant, cet argument ne tient pas. L’amour pour le Prophète (paix et salut sur lui) ne doit pas se manifester par des pratiques étrangères à la tradition prophétique.
Si la célébration de l’Aid al-Mawlid était une pratique recommandée ou méritoire, les premiers musulmans, les compagnons du Prophète (paix et salut sur lui), l’auraient certainement instituée. Or, aucun compagnon ni aucune des premières générations de musulmans (les salaf) n’a célébré cette fête. L’imam Ibn Taymiyya, a vivement critiqué la célébration de l’Aid al-Mawlid dans ses écrits, affirmant qu’il s’agissait d’une innovation blâmable. Selon lui, cette pratique, bien qu’elle soit effectuée avec de bonnes intentions, n’a aucun fondement dans la charia et va à l’encontre de la Sunna authentique.
Les innovateurs quant à eux avancent également l’idée que l’Aid al-Mawlid est une occasion de renforcer l’unité de la communauté musulmane. Au contraire cette pratique, en introduisant une nouveauté religieuse, contribue plutôt à diviser la communauté en ajoutant des éléments non prescrits à la religion. En effet, le Prophète (paix et salut sur lui) a dit dans un hadith : « Celui qui introduit dans notre religion ce qui n’en fait pas partie, cela sera rejeté. » (Rapporté par Boukhari). Ce hadith est souvent cité pour souligner que même des actes accomplis avec de bonnes intentions ne sont pas acceptables s’ils ne reposent pas sur des bases légales dans la charia.
Les dérives dangereuses lors de l’Aid al-Mawlid
Malheureusement, la célébration de l’Aid al-Mawlid est souvent marquée par des dérives graves et des pratiques contraires à l’esprit de l’Islam. Pour beaucoup, cet événement devient l’occasion de se livrer à des actes immoraux tels que la fornication et l’adultère, sous prétexte de festivités religieuses. Ces comportements vont à l’encontre des valeurs islamiques fondamentales et souillent ce qui est censé être un moment de spiritualité. Pire encore, certains groupes pratiquent des formes de zikr (invocations) où des paroles déviantes sont prononcées, plaçant parfois le Prophète (paix et salut sur lui) ou même un cheikh au-dessus de Dieu. Des expressions telles que « Qui est Allah face à toi ? » sont proférées, une déviation extrêmement grave qui touche à la pureté du tawhid (l’unicité de Dieu).
La position de la sounnah sur l’Aid al-Mawlid
La célébration de l’Aid al-Mawlid ne trouve pas de justification claire dans les textes sacrés de l’Islam. Bien que l’amour pour le Prophète Muhammad (paix et salut sur lui) soient des piliers fondamentaux de la foi musulmane, il est essentiel de se conformer aux enseignements du Prophète (paix et salut sur lui) lui-même, qui a mis en garde contre toute forme d’innovation religieuse. La célébration de l’Aid al-Mawlid, introduite bien après la période prophétique et les premiers siècles de l’Islam, ne s’appuie ni sur le Coran ni sur les hadiths, et de ce fait, elle est rejetée par de nombreux savants sunnites comme une innovation blâmable.
L’amour pour le Prophète (paix et salut sur lui) doit se manifester par une adhésion stricte à ses enseignements et à sa Sunna. Fêter sa naissance d’une manière qui n’a pas été prescrite par la religion pourrait, bien que fait avec de bonnes intentions, conduire à un égarement. La voie des compagnons et des premières générations de musulmans doit rester notre guide, et il est essentiel de se rappeler que toute innovation en matière de religion est un égarement, et tout égarement conduit à l’enfer, selon les paroles du Prophète (paix et salut sur lui).